La smartmap qui situe les candidat·e·s ou les partis sur une carte politique bidimensionnelle est une possibilité de visualisation parmi d’autres et n’est pas la seule représentation correcte. La méthode que nous avons choisie est basée sur une approche exploratoire et ouverte et ne définit pas d’emblée ce qui doit être à gauche, à droite, conservateur ou libéral. L’exemple de la smartmap des élections au Conseil national et aux Etats de 2015 nous permet de montrer que la smartmap donne un aperçu cohérent du positionnement général sur la scène politique et une bonne image globale du système des partis suisses.

Tout d’abord, une précision : le but principal de smartvote est l’aide au vote, c’est-à-dire l’établissement de recommandations de vote individuelles sur la base de la comparaison des réponses des utilisatieur·ice·s et des candidat·e·s aux questions de smartvote. Les visualisations de données telles que la smartspider ou la smartmap ne sont proposées qu’en complément, malgré l’attention médiatique qu’elles suscitent. Elles simplifient la réalité et réduisent la complexité des données smartvote à l’essentiel.

Beaucoup de possibilités, pas d’option parfaite

Il existe différentes possibilités pour réduire les réponses des candidat·e·s à deux dimensions pour les présenter sous la forme d’une carte politique. Toutes les options ont leurs avantages et leurs inconvénients, en termes de méthodologie, mais aussi en termes de mise en œuvre technique ou de compréhension pour le public.

Il n’existe donc pas de méthode de calcul et de présentation unique. Les différentes méthodes possibles conduisent à des résultats différents, sans que l’on puisse juger au préalable si elles sont bonnes ou mauvaises.

Nous avons toujours adopté une approche relativement pragmatique pour l’élaboration de la smartmap. Après les élections de 2007, la méthode de calcul de la smartmap a été évaluée, puis convertie à la méthode utilisée aujourd’hui. La smartmap a pour but d’offrir aux électeur·ice·s une plus-value en visualisant la similitude des profils politiques des différent·e·s candidats·e·s ou partis. Il s’agit simplement de montrer comment les candidat·e·s sont positionné·e·s les un·e·s par rapport aux autres.

Comment est calculée la smartmap ?

Depuis 2011, la smartmap est calculée sur la base de l’analyse factorielle des correspondances. Les détails méthodologiques sont rendus transparents et publics sur le site internet smartvote.ch. Une courte explication est également proposée directement sur le graphique en ligne.

Nous appliquons une approche strictement exploratoire. Nous ne prétendons pas définir quelles réponses doivent être de gauche ou de droite, libérales ou conservatrices. Notre point de départ n’est pas non plus ce qui est défini dans les manuels de sciences politiques comme gauche ou droite, libéral ou conservateur, ni ce que nous considérons nous-mêmes comme la définition de ces termes. Il s’agit donc d’une approche ouverte. En effet, un algorithme décide de la définition des deux dimensions[1] utilisées et donc aussi de la disposition des candidat·e·s ou des partis dans l’espace politique.

L’analyse situe les candidat·e·s dans un espace politique bidimensionnel. Cependant, le nom des deux dimensions (axes) manque encore. L’analyse factorielle des correspondances ne fournit que les libellés « Dimension 1 » et « Dimension 2 ».

Nous avons décidé d’utiliser les termes communs « gauche », « droite », « conservateur » et « libéral ». Ceux-ci sont historiquement « connotés » et font encore l’objet de controverses aujourd’hui. Cependant, ils sont connus d’un large public, ce qui est essentiel pour un instrument comme smartvote, qui n’est pas destiné qu’à des scientifiques. Les désignations sont souvent critiquées, mais il n’y a pas de meilleures alternatives.

Trois étapes de contrôle

Avant d’être publiée, la smartmap fait l’objet d’un contrôle en trois étapes pour évaluer la cohérence des résultats obtenus :

  1. Une analyse du contenu de la définition des axes statistiques : Quelles questions smartvote contribuent à la formation de ces deux dimensions et dans quelle mesure ?
  2. Une comparaison des résultats de la smartmap avec les valeurs des huit domaines thématiques du profil smartspider : Quelle est la force de la relation entre les positions sur les deux axes smartmap et les valeurs smartspider ?
  3. La conduite d’une analyse du positionnement multidimensionnelle (MDS) – également une méthode exploratoire – et sa comparaison aux résultats de l’analyse factorielle des correspondances.

Résultats smartmap et analyse de contenu des deux axes

La figure 1 ci-dessous présente une analyse smartmap des élections au Conseil national et aux Etats de 2015 et offre peu de surprises : la gauche rouge-vert a un profil relativement homogène et forme, sans surprise, le pôle gauche du spectre. Le profil plutôt uni des Verts libéraux (pvl ; points vert pomme), qui forment avec le PLR (bleu) le pôle libéral de la carte, est également frappant. Selon la smartmap, le parti Vert’libéral a un profil gauche-libéral, le PLR un profil droit-libéral.

Une fois de plus, la proximité politique du PDC (orange) et du PDB (jaune), qui occupent ensemble le centre de la carte politique, est évidente. Les candidat·e·s du Parti évangélique suisse (turquoise) sont situé·e·s plus à gauche et plus du côté conservateur que les candidat·e·s du PDC/PBD.

Les candidat·e·s UDC (vert foncé) et UDF (violet) partagent globalement la position conservatrice du côté droit du spectre, l’UDF étant toutefois positionné un peu plus à gauche que l’UDC.

Fig. 1: La carte de position smartmap pour les élections fédérales 2015 © smartvote
Remarque: L’évaluation est disponible sous la forme de cartes interactives directement depuis smartvote.ch (pour les élections fédérales).

Voilà pour le positionnement politique général des partis. La question est maintenant de savoir comment les deux dimensions, que nous avons ensuite identifiées comme « gauche-droite » et « conservateur-libéral », sont composées en termes de contenu : Quelles sont les questions smartvote qui contribuent le plus à la formation de ces axes?

Tout d’abord, nous examinons les composantes dites de « valeur propre » des dimensions calculées (« principal inertias »). Celles-ci représentent le poids des dimensions calculées. Il s’avère que la première dimension (ce que nous appelons « gauche-droite ») absorbe la plus grande partie de la dispersion totale présente dans l’ensemble des données de réponse. Cela signifie que le système de répartition gauche-droite est important pour expliquer les positions politiques des partis en Suisse. La deuxième dimension (« conservateur-libéral ») est déjà nettement plus faible (seulement sur ¼ de la première dimension). Les autres dimensions sont pratiquement négligeables [2].

Principal inertias (eigenvalues):

dim value value % cumulative % scree plot cumulative %
1 0.226981 36.5 36.5  *************************  
2 0.057223 9.2 45.6  ******  
3 0.029089 4.7 50.3  ***  
4 0.022900 3.7 54.0  **  
5 0.015926 2.6 56.5  **  
6 0.013447 2.2 58.7  *  
7 0.011398 1.8 60.5  *  
8 0.010453 1.7 62.2  *  
9 0.009240 1.5 63.7  *  
10  0.008860 1.4 65.1  *  
etc.        

Ce qui est dès lors intéressant, c’est de savoir quelles sont les questions smartvote qui ont la plus forte influence dans la définition des deux dimensions. En effet, cela nous donne des indications sur la manière dont nous devons comprendre les deux dimensions en termes de contenu (et finalement si les deux termes « gauche-droite » et « conservateur-libéral » sont des désignations légitimes).

Les questions qui contribuent le plus à la définition sont énumérées ci-dessous pour chaque axe (leur poids sur l’axe respectif est indiqué entre parenthèses) :

Contributions les plus fortes pour la 1ère dimension (« gauche-droite »)

  1. Construction du 2ème tube routier du Gothard (4.0%)
  2. Réductions d’impôts au niveau fédéral (3.7%)
  3. Renforcement du droit pénal des mineurs (3.7%)
  4. Augmentation de la capacité autoroutière (3,4 %)
  5. Réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III) (perte de recettes) (3.3%)
  6. Réduction du financement de la culture au niveau fédéral (3.2%)
  7. Contrôles aux frontières des personnes (suppression de Schengen) (3.1%)
  8. Priorité de l’initiative sur l’immigration de masse sur les bilatérales (3.1%)
  9. Introduction du salaire minimum (3.0%)
  10. Adaptation des lignes directrices en matière d’aide sociale (2.8%)

Contributions les plus fortes pour la 2ème dimension (« conservateur-libéral »)

  1. Contrôles aux frontières des personnes (suppression de Schengen) (13,0%)
  2. Priorité de l’initiative sur l’immigration de masse sur les bilatérales (12.4%)
  3. Suppression des facilités d’importation de denrées alimentaires (Cassis-de-Dijon) (7.7%)
  4. Interprétation stricte de la neutralité (5.5%)
  5. Libéralisation des heures d’ouverture des magasins (4.2%)
  6. Interdiction de la publicité pour l’alcool et le tabac (3.4%)

On constate que les questions classiques de répartition économique (impôts, salaire minimum, aide sociale, promotion de la culture, si l’on considère qu’il s’agit de la réduction des dépenses de l’État, ainsi que les questions de l’immigration de masse, si l’on met l’accent sur les conséquences économiques d’une résiliation des accords bilatéraux) sont mêlées aux questions environnementales (infrastructure autoroutière) et de sécurité ou d’immigration (droit pénal des mineurs, contrôles aux frontières, question de l’immigration de masse). Les petits intervalles entre les contributions en pourcentage des questions montrent à quel point l’axe gauche-droite est large en termes de contenu, c’est-à-dire qu’aucun sujet ne domine clairement cette dimension. Cela doit également être compris comme une indication que la plupart des débats politiques en Suisse se déroulent dans un contraste gauche-droite.

Certaines questions smartvote peuvent contribuer à la définition de plusieurs dimensions. Cela se reflète dans les deux principales composantes de la deuxième dimension : le renforcement des contrôles aux frontières et la priorité de l’initiative pour l’immigration de masse sur les bilatérales. Une autre question de politique étrangère d’une grande importance est l’interprétation de la neutralité. Mais ce sont aussi les questions de libéralisation économique (principe du Cassis de Dijon, horaires d’ouverture des magasins, interdiction de publicité sur les produits de luxe) qui ont une influence majeure sur le contenu de cette seconde dimension.

Nous arrivons ainsi à la conclusion que les termes que nous avons choisis pour les deux axes smartmap sont tout à fait justifiables en termes de contenu. Cependant, il est clair pour nous que d’autres désignations seraient également possibles et que nos désignations ne sont pas exemptes de contradiction.

Comparaison des positions de la smartmap avec les valeurs smartspider

Contrairement à la smartmap, les huit axes des profils smartspider déterminent à l’avance quelle question est prise en compte pour quel axe. La distribution du graphique smartspider est donc basée sur des décisions subjectives de notre part. Il s’agit là d’une différence essentielle par rapport à la procédure de la smartmap, qui gère les assignations de questions sans subjectivité. La méthode de calcul de la smartspider est également rendue transparente sur le site internet smartvote.ch.

Une simple analyse de corrélation permet de déterminer la relation statistique entre les deux axes de la smartmap et les huit axes de la smartspider. Une telle analyse fournit des informations supplémentaires sur la manière dont les axes de la smartmap doivent être interprétés en termes de contenu. Cela permet d’avoir une vision un peu plus fondamentale de l’ensemble des domaines politiques (par opposition à l’examen de questions individuelles comme dans la section précédente).

Le tableau suivant énumère les coefficients de corrélation. Le coefficient peut prendre des valeurs de -1 (corrélation négative parfaite) à +1 (corrélation positive parfaite). Une valeur de 0 signifie qu’il n’y a pas de relation. Dans le tableau, les corrélations moyennes à fortes (coefficients de ±0,4) sont marquées d’un astérisque (*).

Les résultats confirment les conclusions de la première étape de contrôle : l’axe gauche-droite est très largement défini et comporte des liens étroits entre tous les domaines politiques, à l’exception des axes « société libérale » et – dans une moindre mesure – « politique étrangère ouverte ». Elle est en corrélation plus étroite avec une politique de protection de l’environnement élargie, une politique migratoire restrictive, une politique financière restrictive et un État providence renforcé.

Le deuxième axe de smartmap, plus faible, est davantage lié à la politique étrangère ouverte, à la société libérale et à la politique économique libérale. Ce qui semble important ici, c’est qu’il n’a pas ou très peu de rapport avec les questions financières, la protection de l’environnement et l’État-providence. En effet, ces domaines sont répartis relativement clairement entre la gauche et la droite.

On peut donc voir que les résultats de la smartmap résistent également au test s’ils sont liés aux huit dimensions thématiques du profil smartspider.

Corrélation smartmap – smartspider (Coefficient de corrélation Pearson’s r)

  1. Dimension (droit)2. Dimension (libéral)
Ouverture vers l’étranger
-0.674*          0.650*
Politique économique libérale
0.786*           0.512*
Politique des finances restrictive
0.886*           0.172
Ordre et sécurité0.786*           -0.420*
Politique migratoire restrictive0.890*           -0.269
Forte protection de l’environnement-0.898*          -0.024
Etat social fort-0.860*          -0.259
Société libérale-0.205           0.612*

Comparaison avec les résultats de l’analyse du positionnement multidimensionnel (MDS)

Dans une dernière étape de contrôle, nous comparons les résultats de notre analyse des correspondances avec les résultats d’une autre méthode exploratoire : le positionnement multidimensionnel (MDS). La figure 2 ci-dessous montre l’analyse des mêmes données de vote intelligent à l’aide de MDS. A première vue, il apparaît clairement à quel point les résultats sont similaires à ceux de l’analyse des correspondances (cf. Fig. 1). Le coefficient de corrélation entre les résultats est également r=0,991, pour la deuxième dimension 0,964. Il existe donc des corrélations presque parfaites. Ceci confirme une fois de plus que la smartmap reflète les positions de manière tout à fait fiable.

Fig. 2: Calcul MDS des positions politiques © smartvote

[1]     La smartmap montre les deux dimensions les plus fortes (parts de valeur propre les plus élevées) de l’analyse factorielle des correspondances.

[2]     Étant donné que 75 questions smartvote sont posées et que 75 dimensions sont calculées, que nous traitons un grand nombre de cas et une variance considérable dans l’ensemble des données de réponse et que les résultats sont significatifs et faciles à interpréter, nous n’avons pas à nous soucier du pourcentage cumulatif relativement faible des deux premières dimensions (un peu moins de 46 %).