
À mi-mandat : l’impact des élections
Rappelons-nous les résultats contrastés des deux dernières élections : en 2019, au plus fort du mouvement pour le climat, une « vague verte » a déferlé sur le pays, tandis que le camp conservateur, avec en tête l’UDC, a dû digérer un résultat étonnamment faible. En 2023, le vent a tourné : l’UDC était de nouveau en hausse, tandis que les Vert-e-s et le PVL ont dû essuyer de lourdes pertes.
Mais ces résultats électoraux changent-ils vraiment quelque chose dans la politique suisse ? (D’autant plus que beaucoup de gens ne reconnaissent un impact politique direct qu’aux référendums.) Avec la fin de la session parlementaire d’automne, nous sommes exactement à la moitié de la 52e législature. Il est donc temps de comparer les décisions prises par le Conseil national au cours des deux dernières années avec celles de la législature précédente.
Depuis la session d’hiver 2019, notre plateforme d’observation parlementaire « smartmonitor » établit régulièrement des classements thématiques. À cette fin, les votes au Conseil national sont évalués individuellement afin de déterminer s’ils peuvent être pris en compte dans le calcul de l’un des dix classements thématiques. La présente analyse utilise cette répartition thématique des votes du Conseil national et s’interroge sur le succès des différents partis lors de ces votes. Le succès par parti est défini ici comme la proportion moyenne d’un parti dont le comportement de vote correspond au résultat final de l’ensemble du Conseil national.1
Les résultats de l’étude présentés dans le graphique ci-dessous montrent le taux de réussite de chacun des six grands partis suisses par thème. L’analyse montre clairement que le succès d’un parti dépend considérablement du thème abordé. Alors que le taux de réussite moyen de l’UDC dans le domaine des relations extérieures est inférieur à 30 %, il atteint près de 75 % dans les votations sur la politique économique et environnementale. Des différences similaires peuvent également être observées chez le PS et les Vert-e-s, tandis que les écarts sont légèrement moins importants chez les partis du centre.
Cet article se concentre toutefois principalement sur le passage de la 51e à la 52e législature : que peut-on déduire des changements dans les taux de réussite thématiques en termes d’impact du résultat des élections sur le contenu ? Le graphique montre notamment les domaines thématiques dans lesquels des changements significatifs dans les taux de réussite sont perceptibles. C’est particulièrement frappant dans le domaine de la protection de l’environnement, où quatre partis présentent des différences importantes : les Vert-e-s et le PS enregistrent une forte baisse de leur taux de réussite, tandis que l’UDC et, de manière peut-être surprenante, les Vert’libéraux sont nettement plus souvent du côté des gagnants. En revanche, on ne constate pratiquement aucune différence entre le PLR et le Centre. Il semble donc évident que le Conseil national mène une politique environnementale plus conservatrice au cours de la législature actuelle qu’au cours des quatre années précédentes.
On obtient la même impression en analysant les votes qui concernent l’opposition socio-économique classique entre la gauche et la droite (c’est-à-dire essentiellement les questions d’équilibre social et de répartition des revenus et des richesses). Là encore, tous les partis du centre et de droite ont plus de succès dans la législature actuelle, tandis que le PS et les Vert-e-s se retrouvent plus souvent du côté des perdants. Cette tendance se reflète d’ailleurs également dans les votes sur la politique économique, la fiscalité et les finances.
En revanche, si l’on se concentre sur les votes concernant la protection sociale – l’État social au sens strict –, le tableau change. Dans ce domaine, tous les partis ont plus de succès dans la législature actuelle, à l’exception de l’UDC, qui affiche une tendance inverse.
Les décisions prises par le Conseil national depuis 2023 reflètent donc clairement les effets des dernières élections. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’environnement, ce qui s’explique facilement par l’affaiblissement des partis verts et le renforcement simultané de l’UDC. Les partis bourgeois ont également gagné en succès dans les questions économiques (politique économique, questions de répartition, fiscalité). Cependant, il existe également des domaines dans lesquels peu de changements sont observés dans l’ensemble (par exemple, les votes sur des questions socioculturelles) ou qui affichent même une tendance inverse (protection sociale).
Pour finir, il convient de souligner certains points problématiques de l’analyse qui doivent être pris en compte lors de l’interprétation des résultats :
- Premièrement, il s’agit d’une sélection de votes déterminée par l’équipe du projet smartmonitor. Bien que des critères uniformes aient été appliqués, il est tout à fait possible d’avoir des opinions divergentes concernant l’attribution des différents votes aux dix domaines thématiques.
- Deuxièmement, le choix des votes dépend toujours des projets soumis au vote du Parlement. La sélection comprend un mélange hétéroclite de motions et d’initiatives parlementaires (qui reflètent principalement les préférences politiques et les calculs de certains membres du Conseil ou de certains partis) ainsi que des projets du Conseil fédéral. La répartition thématique des votes ne tient pas compte de l’équilibre politique ou thématique. Ainsi, si l’UDC domine le thème de la migration avec des interventions régulières mais pratiquement sans chance d’aboutir, cela se reflète également dans la sélection des votes dans ce domaine. Il s’agit en fin de compte de la réalité parlementaire, dans laquelle la « pertinence objective » ne constitue pas un critère.
- Troisièmement, il en résulte que l’analyse ne fournit aucune indication sur les changements substantiels dans les différents domaines politiques. Pour reprendre l’exemple de la migration : le fait que l’UDC affiche un faible taux de réussite dans ce domaine ne signifie en aucun cas qu’il n’exerce pas une influence importante. Cet exemple montre justement qu’un parti peut imposer une certaine ligne de conduite aux autres par le biais de référendums et de la pression publique et influencer durablement l’orientation de la politique sans devoir se montrer particulièrement coopératif, et donc efficace, au Parlement.
1Cf. https://smartmonitor.ch/de/analyses/3 : Le tableau suivant présente les dix domaines politiques et le nombre de votations au Conseil national pris en compte dans l’analyse. On constate que tous les domaines ont fait l’objet d’un nombre plus important de votes au cours des deux législatures, ce qui confirme la pertinence de l’étude. La définition du contenu des différents domaines, sur la base de laquelle les votes ont été sélectionnés, ainsi que les votes sélectionnés eux-mêmes peuvent être consultés en ligne à l’adresse https://smartmonitor.ch/fr/analyses, dans la rubrique consacrée à la notation thématique correspondante.
| Nombre de votes 2019-2023 | Nombre de votes 2023-2025 | |
| Politique extérieure | 32 | 63 |
| Économie | 72 | 71 |
| Finances | 68 | 93 |
| Sécurité | 24 | 44 |
| Migration & intégration | 48 | 62 |
| Environnement | 52 | 60 |
| Politique social | 31 | 35 |
| Société | 23 | 20 |
| Gauche vs. droite (sujets socio-économiques) | 109 | 91 |
| Conservateur vs. libéral (sujets socioculturels) | 1 | 100 |









